Cette semaine encore les Bulgares descendent dans la rue pour manifester. L’occasion : les appétits de bétonner une des dernières plages vierges restées sur notre littoral de la mer Noire. Dans le même temps, quelque part ailleurs, d’autres gens, des locaux, organisent des contre-manifestations avec l’espoir que la construction en question leur assurera du travail. Et bien sûr, il y a ceux qui attendent le feu vert en se frottant les mains pour se partager plus tard les parts du gâteau. Bref, du déjà-vu. Un déjà-vu qui montre que certaines choses dans l’État ne marchent pas comme il faut.
Est-ce que les écologistes doivent en permanence surveiller les fonctionnaires, tous niveaux compris, et quêter pour des décisions illégales de construction dans des zones protégées ou bien pour des pelles mécaniques envoyées sur place sans aucune permission. Où sont les ministères et les institutions ? Quelles sont leurs tâches et où est le contrôle ? Le cas Karadéré est un exemple probant qui démontre que c’est justement au plus haut niveau de l’Etat que sont prises certaines de ces décisions. Il y a une semaine, le Conseil des Ministres a approuvé l’intention d’investissement qui consiste à construire un grand complexe touristique juste à côté de la plage sauvage. Ce complexe mettrait le pied sur le territoire de deux zones protégées du réseau Natura 2000. Et si les écolos n’étaient pas assez vigilants, le projet aurait reçu son feu vert en catimini.
Avant la chute du mur de Berlin on gardait la plage et l’ensemble de ce coin sauvage avec des armes, car la région était réservée aux militaires pour des exercices et des manoeuvres des membres du Pacte de Varsovie. Plus tard, les terres alléchantes ont été vite achetées par des entrepreneurs du secteur du bâtiment, qui maintenant attendent avec impatience de se renflouer les poches.
L’idée de construire un complexe à Karadéré date de 2007. Le premier projet appartenait à l’architecte britannique Norman Foster et prévoyait plusieurs complexes d’hôtels et plus de 7000 logements sur un espace de 120 hectares. Le remake d’aujourd’hui a des dimensions plus modestes – seulement trois complexes hôteliers, seulement 1200 logements sur un espace de 25 hectares à peine. Mais, tout comme le premier, le projet actuel entre aussi dans le territoire de deux zones protégées de Natura 2000. Ce qui met la plus grande partie de la majorité des Bulgares en colère, c’est que les endroits sauvages comme Karadéré se comptent déjà sur les doigts de la main.
Les amateurs du camping sauvage n’ont-ils pas les mêmes droits que ceux qui aiment le confort des hôtels ? Car les campings sur notre littoral ont quasiment disparu.
Et pour terminer, on peut ajouter que les socialistes, quand ils étaient en opposition, soutenaient ardemment l’idée de la coalition « Pour qu’il reste de la nature en Bulgarie », qui consiste à créer une zone protégée, appelée « Littoral bulgare de la mer Noire ». Maintenant, quand ils sont au pouvoir, cette idée ne leur convient plus…
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