Nous sommes en 1957 et nous rencontrons les acteurs et les metteurs en scènes qui ont participé à l’inauguration du Théâtre satirique à Sofia. La grande actrice Stoyanka Moutafova nous raconte ses souvenirs du spectacle « Les bains » de Vladimir Maïakovski, qui étaient la première pièce jouée sur la scène de ce théâtre.
« En cette année 1957, le Théâtre satirique a ouvert sa première saison avec la pièce de Vladimir Maïakovski « Les bains ». Or, il se trouvait que nous n’avions toujours pas de scène finale. Le jour de la Première nous tous, jeunes artistes, étions très inquiets. Pour ma part, j’étais anxieuse, mais surtout curieuse. Au fond, je n’étais pas aussi inquiète que je le disais, car je faisais entièrement confiance au metteur en scène et fondateur du théâtre Stéphane Sartchadjiev. Je crois que nous deux nous nous ressemblions. J’aime les créateurs qui font confiance à leur inspiration du dernier moment car cela peut être très créatif. Stéphane Sartchadjiev nous a dit de commencer le spectacle tranquillement, et que dans l’entracte, il allait nous raconter la scène finale. Et c’est ce qui s’est passé : il nous a réuni et nous a dit : j’ai trouvé la scène finale, soyez rassurés! Nous, qui jouions des personnages négatifs, nous devions nous jeter de la scène dans l’orchestre qui joue dans le noir. C’était une métaphore de l’enfer. Pendant que je jouais cette scène j’avais même peur d’écraser quelqu’un dans le noir. Alors, tout d’un coup j’ai entendu une voix : « Pousses-toi, tu vas m’écraser », c’était Georgui Partsalev. Bref, je n’oublierais jamais cette première qui portait la signature unique et extraordinaire du metteur en scène Sartchadjiev ».
Bien sûr, dans le temps, il existait des contraintes idéologiques. « Lors de cette première représentation, le premier cri que le nouveau-né a poussé n’était pas le pleur du bébé mais l’appel d’une voix claire d’adulte : Nous sommes un théâtre de propagande. Le message était que même si nous étions un nouveau-né dans le monde du théâtre, dès notre naissance, nous allions montrer que nous restons droits sur nos pieds et, en nous saisissant des armes de l’humour et de la satyre, nous rejoignons l’armée de combattants pour la gloire du communisme », écrit le metteur en scène Stéphane Sartchadjiev. Voici des extraits de l’interview faite juste avant l’inauguration du théâtre :
« Nous avions préparé trois spectacles – « Les bains » de Maïakovski, un spectacle compilation d’œuvres satiriques d’auteurs bulgares qui était introduit avec une conférence, de la musique et des chants. Enfin, nous avions préparé aussi un spectacle appelé « La satyre au long des siècles », qui commençait avec Juvenal et Aristophane, ensuite le Moyen Age, la Renaissance, jusqu’à nos jours. A chaque fois, nous jouions avec les costumes, les décors, la musique de l’époque. Chaque œuvre faisait l’objet d’une relecture contemporaine. »
Même si le théâtre avait souvent des problèmes avec la censure, certains metteurs en scène ont marqué l’histoire de l’art dramatique contemporain. Il s’agit par exemple de Metodi Andonov, Gricha Ostrovski, Mladen Kisselov qui ont su innover avec des auteurs tels que Yordan Radichkov et Stanislav Stratiev. Ansi, l’écrivain Yordan Radichkov se souvient de l’enthousiasme incontrôlable des acteurs, lors de la représentation de sa pièce « La pagaille ». « Les acteurs étaient tellement pris par le jeux qu’à la fin du spectacle ils ont demandé au public s’il ne voulait pas qu’ils rejouent de nouveau toute la pièce. »
« Nous allons sans doute commettre des erreurs nous aussi, mais nous n’avons pas peur car nous allons apprendre de nos erreurs. Souvent, nous allons parler des choses avec humour. Mais soyez certains que nous abordons le théâtre avec sérieux », déclare Sartchadjiev dans son discours lors de l’inauguration du Théâtre satirique. Ces paroles caractérisent le théâtre jusqu’à nos jours. Ses metteurs en scène et ses acteurs sont des gens qui font de l’humour mais qui prennent le théâtre au sérieux. C’est pourquoi ils sont tant aimés par des générations de Bulgares.
Version Francaise : Miladina Monova
Photos: satirata.bg
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