Il y a plus de vingt ans, quand la guerre en Yougoslavie a commencé, l’Europe était sous le choc. Jusqu’alors, on croyait que la guerre était à tout jamais enterrée dans les manuels d’histoire. Pour nous les Bulgares, ce vécu est resté plutôt lointain, et ce jusqu’en 1999 et les bombardements de l’OTAN sur Belgrade, dont on entendait les échos à Sofia. Aujourd’hui, le conflit armé en Ukraine nous rappelle de nouveau que l’Europe n’est pas à l’abri de la guerre.
« Dans les régions en conflit, environ 6 000 personnes font partie de la minorité bulgare, ils sont nos compatriotes dont nous avons le devoir de prendre soin », a déclaré le ministre des Affaires étrangères Daniel Mitov, dans une interview pour BTV, donnée le 12 février dernier. Et il ajoute : « Nous avons déjà donné nos instructions au Consulat général de Bulgarie à Odessa et à notre ambassade à Kiev, pour une simplification des procédures de délivrance des visas ». Quelques jours plus tard, le clergé du monastère de la « Dormition de la Vierge » à Troyan a communiqué que le monastère était prêt à accueillir 60 Bulgares de Bessarabie. De même, le village de Gourkovo, près de la ville Baltchik a proposé de prendre en charge des victimes du conflit. Voici ce que nous en dit le maire, Todor Guéorguiev.
« Notre village est très conscient du problème. Pendant la Première guerre mondiale, beaucoup de ses habitants étaient déportés en Roumanie et après la fin de la guerre, des Bulgares de la partie de la Dobrudja qui a été attribuée à la Roumanie, sont venus vivre à Gourkovo. Les familles ici connaissent les souffrances de l’exil, ils ont beaucoup de compassion et sont prêts à aider les Bulgares d’Ukraine. »
C’est ainsi que le maire entre en contact avec l’Association des Bulgares en Ukraine et récemment le village a accueilli son premier Bulgare de Bessarabie. Miroslav Martchev, invite dans sa maison le jeune Vitaly Drozda.
“J’ai des problèmes, car je suis arrivé ici avec un visa de touriste, comme quelqu’un qui est venu pour des vacances, raconte Vitaly. Pour avoir un droit de séjour longue durée et demander la nationalité bulgare, il me faut un autre type de visa. Je veux vivre ici, c’est ici que se trouvent mes racines. »
Le maire de Gourkovo qui aide Vitaly dans les démarches administratives explique :
« Pour les Bulgares ethniques de Bessarabie, l’ambassade bulgare délivre des visas de tourisme qui sont d’une durée de trois mois. Ici, au service « Migration » on lui demande un visa de séjour longue durée, pour lui délivrer des documents. J’espère que tout cela deviendra plus clair, maintenant que le Parlement et le Conseil des ministres se sont engagés pour faciliter les démarches ».
Vitaly a laissé à la maison en Ukraine sa femme et son enfant âgé d’un an et demi. Il est impatient de réunir sa famille en Bulgarie. Mais pour cela, il doit d’abord trouver du travail, s’établir ici. Mais son visa de touriste ne lui donne pas le droit de travailler. Actuellement, pour survivre, il compte sur son hôte qui est un homme âgé.
L’Agence nationale des Bulgares à l’étranger avait récemment déclaré que dans le cas où la situation en Ukraine s’aggravait, les Bulgares ethniques « et surtout les plus jeunes, sont invités à immigrer en Bulgarie ». Dans le contexte que nous décrivons, on est toujours dans l’attente d’une réaction adéquate des institutions compétentes.
Miroslav Mirtchev nous confie à ce sujet :
“J’ai décidé de proposer mon hospitalité à un homme décimé par la guerre, qui doit fuir et qui de plus a des origines bulgares. Sa grand-mère a fui le territoire bulgare du temps de la guerre russo-turque. Aujourd’hui, c’est lui qui doit fuir dans l’autre sens, et revenir sur les terres de ses ancêtres. Mais ses problèmes ne sont pas terminés, il est en Bulgarie que depuis 20 jours. Moi je l’aide comme je peux, je lui offre la chaleur d’un foyer familial. Mais il a besoin d’argent. Sa famille en Ukraine vend ses biens pour réunir une somme misérable, grâce à laquelle elle pourrait venir s’installer ici. Vitaly a aussi besoin d’argent. Son dossier pour le nouveau visa, avec toutes les traductions et timbres fiscaux, lui coûtera environ 2 500 euros. Sinon, tout le monde et les médias viennent ici pour se donner une bonne image, mais personne ne vient pour dire « Tiens, Vitaly, prends cet argent, ces vêtements et ces vivres ». Seul le maire du village nous aide et depuis le premier jour apporte de la nourriture et quelque sous, ce dont nous lui sommes très reconnaissants. »
Version française : Miladina Monova
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