Récemment, la chancelière allemande Angela Merkel a secoué le monde politique de droite comme de gauche en déclarant que la mission de l’Allemagne est de se montrer humaine et d’accueillir les réfugiés de guerre sur son sol. « Cela fait aussi partie de la globalisation » a-t-elle ajouté. Au nom de la nation allemande, elle s’est dite flattée que tant de gens ont une vision positive de l’Allemagne et souhaitent vivre dans le pays. Force nous est de constater que ce discours d’ouverture, véhiculant de l’optimisme, contraste avec tout ce qu’on entend en Europe et en France en particulier, au sujet de la « crise » ou de la « pression » migratoires. Or, pour la chancelière, cette ouverture allemande a un prix, il faut introduite une distinction claire entre le statut de réfugié politique et celui de migrant économique.
Nous avons discuté ce sujet avec Éric Fassin, sociologue de la migration et professeur à l’Université de Paris 8, qui a récemment été l’invité du Centre social « Xaspel » et de la revue New Left Perspectives à Sofia.
« Pendant longtemps la politique européenne était essentiellement une politique économique, c’était un marché commun. La question qui se posait s’était de savoir dans quelle mesure l’UE allait avoir une politique pas seulement économique, mais aussi dans d’autres domaines, par exemple une politique étrangère. On voit qu’encore aujourd’hui, il n’y a pas vraiment une véritable politique étrangère commune. En revanche, dans les années 2000, on a vu apparaitre de plus en plus clairement une politique commune en matière d’immigration, par exemple avec FRONTEX et de manière générale avec le traitement des frontières et la constitution de ce qu’on peut appeler l’Europe forteresse. La question que je me pose c’est du rapport entre ces deux Europes, l’Europe du marché et l’Europe de l’immigration, ou entre l’Europe néolibérale et l’Europe forteresse. Je crois qu’il faut penser ce lien même s’il est paradoxal, parce que d’un côté il s’agit de la libre circulation des capitaux, de l’autre il s’agit du refus de la libre circulation en matière migratoire : mon hypothèse c’est qu’il y a un rapport entre ces deux dimensions économique et migratoire. Et que ce rapport il complexe.
D’abord, il y a l’utilisation de l’immigration comme une sorte de bouc émissaire. Si beaucoup d’Européens ont raison d’être mécontents des politiques néolibérales qui leurs rendent la vie difficile, et bien, on peut les distraire en leur disant que leur problème véritable c’est l’afflux de migrants, qui seraient la cause de leurs difficultés économiques. Donc au lieu de parler économie, on parle migration. C’est ce qui s’est passé par exemple au lendemain du traité constitutionnel européen de Maastricht, ou plus exactement du référendum qui en France a rejeté le traité constitutionnel en 2005. La leçon que Nicolas Sarkozy en avait tiré à l’époque c’était qu’il fallait combattre ce qu’il a appelait « l’immigration subie », pour que les gens aient le sentiment de choisir leur destin, c’est-à-dire d’avoir une immigration choisie. Donc, l’immigration serait la clé du mécontentement populaire et la réponse à ce mécontentement ce serait une politique de l’immigration beaucoup plus stricte. »
Dans ce contexte, il est tout à fait pertinent de comparer les politiques de l’Allemagne et de la France. Pour Éric Fassin, l’Allemagne semble proposer une vision à long terme de l’avenir de la nation allemande et un projet politique. Pendant ce temps, la France propose une vision négative, qui se révèle dans le rejet des migrants et qui renvoie aux Français une image complexée d’eux-mêmes. C’est pourquoi, souligne le sociologue, il faut prêter attention au changement de cap qu’Angela Merkel propose.
« Il est important de prendre en compte que cela change quelque chose. Tout d’abord, la transformation quantitative bouscule l’idée qu’on ne peut pas accueillir toute la misère du monde. On ne peut plus répéter cette phrase de la même manière, quand on est un pays juste à côté, comme la France, ou pas loin comme la Bulgarie. Alors que l’Allemagne dit « on ne peut pas accueillir tout le monde, mais quand même on peut accueillir beaucoup de monde », en France, on avait pris l’habitude de penser qu’« on ne peut pas accueillir toute la misère du monde », voulait dire « on ne peut donc accueillir personne ». Ça c’est un vrai changement».
En matière de politique européenne commune, il est important de considérer cette ouverture allemande, pour redéfinir notre vision de l’immigration, afin de déconstruire l’image d’une Europe forteresse, qui se retranche derrière ses murs.
« Ce que fait Angela Merkel aujourd’hui c’est de proposer une image de l’Allemagne qui est une image de générosité, elle la propose d’une part au monde et en particulier au réfugiés, mais d’autre part aussi aux Allemands eux-mêmes. Elle suggère qu’il y a une valeur, un intérêt à se montrer généreux. Non pas seulement un intérêt calculés économiquement mais aussi dans le caractère désirable de l’Allemagne qu’elle propose au monde. Un sociologue allemand parlait récemment du fait que l’Allemagne serait devenue l’Amérique de l’Europe. Je crois que c’est une piste intéressante. Car le problème auquel est confronté l’Allemagne depuis longtemps, c’est que sa puissance économique ne peut pas se traduire sans problèmes en une puissance politique. Tout le monde redoute l’idée d’un empire allemand. Cette générosité diffuse une image de l’Allemagne à l’extérieur mais pour les Allemands aussi qu’il y a une valeur.
Donc, Je crois que nous avons intérêt à comparer, à l’intérieur des politiques néolibérales, deux stratégies politiques complètement différentes et même opposées. Celle qu’on a vue se déployer depuis des années et qui est particulièrement exacerbée dans le traitement des populations roms, tout particulièrement en France, mais aussi en Bulgarie et dans d’autres pays. On voit qu’à propos des roms nos gouvernants, qu’ils soient de droite ou de gauche, mettent en scène le rejet des roms et l’encouragent. Quand ils font cela, ils proposent à la population une représentation d’elles-mêmes. Ils nous disent, votre valeur, ce que vous valez c’est qu’au moins vous n’êtes pas des Roms. Peut-être que certains d’entre vous sont pauvres, peut-être même que certains d’entre vous sont des enfants d’immigrés noirs ou arabes, vous êtes peut-être même musulmans, mai au moins vous n’êtes pas des roms ».Donc, c’est une politique du ressentiment, qui va monter la population contre les roms, pour lui donner le sentiment d’avoir malgré tout une valeur, ce qui est le fondement même du monde néolibéral. Ce que propose aujourd’hui Angela Merkel aux Allemands c’est une valeur positive, elle dit aux Allemands vous valez non pas par le rejet mais par l’acceptation. Vous pouvez être content de vous, vous avez de bonnes raisons de vous sentir fiers d’être Allemands, donc c’est un projet national qui est aussi un projet néolibéral : elle donne de la valeur, y compris à ceux qui auraient de bonne raisons de contester sa politique économiques et qui vivent de petits boulots en Allemagne ».
En attendant de voir si cette politique allemande d’ouverture va se traduire dans les faits, plusieurs questions restent posées. Pour nous, il est essentiel de savoir ce que va impliquer la redéfinition des statuts de « réfugié politique » et de « migrant économique ». Car, il est évident que l’un et l’autre seront réduits au point d’exclure beaucoup de gens, qui ne se trouvent peut-être pas immédiatement sous le coup des bombes, mais pour lesquels l’émigration vers l’Europe est aussi une question de survie. Nous assistons déjà à la situation absurde de voir des migrants d’Afghanistan se faire renvoyer dans leur pays, dans des zones que l’ONU a récemment déclaré « zones sures ».
Pour ce qui est de la Bulgarie, n’oublions pas que la faible économie bulgare dépend aussi des émigrés travailleurs en Europe occidentale, comme le montre la dernière étude de la Banque nationale de Bulgarie. Donc nous sommes aussi un pays produisant des migrants économiques, tout comme la Macédoine et la Bosnie. Peut-être, devons-nous faire attention à ne pas nous empresser de demander aux autres ce que nous ne voulons pas pour nous-mêmes.
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