A l’époque où le mot BD était tabou, seul le magazine pour enfants Daga (arc en ciel) se rapprochait des BD aux couleurs gaies et attrayantes de Pif, le seul magazine du genre qu’ils pouvaient se procurer librement en kiosque… et encore. Aujourd’hui, les auteurs et les dessinateurs de ces années tentent de réveiller l’intérêt pour l’univers en images en campant sur scène des nouveaux personnages et des nouveaux sujets dans le neuvième art.
Plus de 200 BD de 80 peintres, publiées ces dernières années attendent leurs afficionados à la Galerie de l’Union des artistes peintres bulgares sous le slogan “ Sofia Comix Expo 2017”. C’est la deuxième exposition après celle de 2014 qui avait réuni les peintres de toutes les générations dans une belle palette de styles et d’idées. Il va sans dire que c’est le projet Daga qui est à l’origine des deux événements, accompagné bien sûr par l’Union des artistes peintres.
„ Autrefois il n’y avait qu’un seul magazine de BD – Pif le magazine français dont les enfants raffolaient et qui partait des kiosques à la vitesse de l’éclair – revient dans ses souvenirs le peintre Petar Stanimirov, un ancien de l’équipe de Daga. - Et quand en 1979 sont parues les petites bulles et les dessins dans le journal Daga, les enfants en sont tombés tout de suite sous le charme. C’est ce qui explique les très forts tirages de notre BD. Les enfants d’aujourd’hui aiment toujours autant la BD - moyen d’expression universel, point de rencontre de la littérature et de l’animation avec ses héros tirés des fictions et des livres. „
A la différence des années de socialisme, de nos jours la BD est libérée du carcan patriotique et met le cap très vite sur l’aventure. Ainsi les BD se retrouvent sponsorisées par des fondations qui chantent les louanges de leurs idées nationalistes et glorifient l’histoire via des hauts faits de leurs héros. L’une d’entre elles a même tenté le coup de distribuer gracieusement 60 mille exemplaires de la BD, relatant les exploits des “khans” à des enfants d’une dizaine d’années, allant jusqu’à promettre 200 leva (100 euros) à chaque nouveau-né auquel on donnerait le nom d’un de ces khans.
„ Je ne dirais pas que ce soit un dérapage parce que les BD à thématique historique ont absolument leur place dans le genre. L’important c’est de savoir comment s’y prendre, le but qu’on se pose, les intérêts politiques qu’ils sont censés servir – commente Petar Stanimirov. – Du temps du journal “Daga” nous faisions nous aussi des BD sur des sujets tirés de l’histoire bulgare, par exemple “Elémag – le guerrier du khan Tervel ”, qui nous transportait dans une époque imaginaire parce que ne connaissant pas avec certitude notre histoire très éloignée nous en avions fait un personnage de composition sans prétendre à l’authenticité. Ces sujets sont toujours très aimés du public, mais je crois que le seul élément authentique tient au nom du souverain, du khan bulgare. Par conséquent il n’est pas difficile de se rendre compte que quelqu’un met en lumière ses propres idées en se servant du savoir-faire des auteurs de la BD.„
Ce qui est difficile, malheureusement c’est de percer avec des histoires inédites, sorties spontanément sous le crayon d’un auteur imaginatif et talentueux. Voilà pourquoi les jeunes dessinateurs de BD se voient contraints de louer leur talent à des éditions et des scénaristes étrangers, de travailler pour l’industrie des jeux européenne et américaine et que leurs prédécesseurs sont réduits à gagner leur vie en assurant d’autres commandes à côté. Quoi qu’ils fassent leur passion commune de faire revivre la BD est toujours vivante.
„Dessiner des BD est un travail solitaire, c’est bien connu – avoue Petar Stanimirov. – Il est toujours préférable d’avoir sous la main une histoire toute prête mais bien souvent le dessinateur doit l’inventer au fur et à mesure ce qui rend ce travail encore plus solitaire. Et pour dessiner une BD il faut vraiment avoir plus d’une corde à son arc - connaître un peu la mise en scène, la prise de vues, se représenter le déroulé des séquences comme dans un film, savoir aussi condenser un max l’action sans nuire à la compréhension du sujet, bref faire tenir 20 séquences dans une seule et c’est cela qui est dur, dur. Voilà pourquoi je pense qu’écrire des scénarios de BD n’est pas donné à tout le monde. Sinon pour le dessin, c’est la partie la plus facile et de loin, il suffit juste d’avoir le coup de crayon et l’expérience qui va avec, bien entendu. „.
Version française Roumiana Markova
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