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L’église de Praoujda, témoin de l’aube de la civilisation

Des signes païens creusés sur la façade de la modeste église renvoient à des savoirs datant de l’aube de la civilisation. Plus tard les Bogomiles y laissent aussi leurs traces. Des silhouettes d’hommes, de bêtes, des fleurs, des croix attendent toujours d’être déchiffrées et qui sont pour bon nombre de chercheurs des questionnements sur la création de l’univers et d’illustrations de l’éternelle aspiration des hommes à l’idéal de beauté et de perfection.


A Praoujda, petit village aux pieds du Balkan, en Bulgarie de nord-est, non loin de Bélogradtchik et de la grotte Magourata se trouve l’église l’Ascension de Jésus-Christ. La plaque sur la façade de pierres de l’église à nef unique nous apprend qu’elle a été bâtie en 1855, mais la légende locale affirme qu’elle serait construite autour des vestiges d’un temple bien plus ancien. Les vestiges auraient fait partie d’un monastère se trouvant à 5 km de Praoujda -  un ensemble monacal sorti de terre quelques siècles avant le 14e s., date de naissance du royaume de Vidin. Il aurait regroupé trois monastères à partir desquels auraient rayonné pas moins de trente autres cloîtres. La légende ajoute encore que le fondateur du bogomilisme Veniamin (Boyan-le Mage) aurait vécu un temps dans la grotte toute proche Lépénitza. 

« L’église est très intéressante pour les strates culturelles qui s’y sont superposées mais aussi pour les symboles sur sa façade qui nous font revenir des millénaires en arrière » – dit l’ancien maire de Belogradtchik Emile Tzankov. – « Certains chercheurs affirment que le nom Praoujda, signifie “soleil levant” et en effet l’un des signes sur la façade de l’église figure le soleil – il peut être vu aussi dans la grotte Magourata. (Pour les autochtones Praoujda signifie “précède”). Les représentations de serpents préfigurent l’éternité. La symbolique liée au Soleil, à la Lune et les cinq planètes renvoie à l’astrologie et à l’astronomie. Dans la façade est encastrée une colonne de pierre recouverte de signes, une sorte de prototype de calendrier. » 


L’hypothèse retenue est que les symboles auraient été transférés depuis le sanctuaire situé à l’une des extrémités du village. Un autre artefact qui retient l’attention – la plaque gravée de dizaines de symboles recto verso témoigne de la riche histoire du site et qui n’est pas encore élucidée. La stèle rituelle avec ces symboles découverte à une centaine de mètres de l’église attend d’être déchiffrée.


« Cette plaque rituelle est un nouveau challenge pour les scientifiques parce que les symboles qu’elle porte rappellent ceux de Gradechnitza et Karanovo, datés, eux, d’il y a dix mille ans et considérés comme étant la première écriture, d’autant qu’ils seraient analogues à ceux découverts dans la grotte Magourata – poursuit son récit Emile Tzankov. – « Il est fort probable que la civilisation dont elle est le produit maîtrisait un savoir-faire très poussé et cela dans plusieurs branches de la science puisque sur la plaque est représentée une carte du système solaire, une partie des planètes, le Soleil et la Déesse Mère tenant le feu dans ses mains, le feu symbole du verbe. »

Mysticisme, légendes, secrets enfouis dans les replis du Balkan majestueux – Praoujda et ses environs pourraient devenir une destination prisée pour le tourisme.

« Non loin du village s’élève Vedernik – un sommet en forme de pyramide auquel mène un écosentier – dit Emile Tzankov. – Poursuivons notre promenade avec une partie des rochers de Bélogradtchik, la forteresse érigée par les Thraces qui a fonctionné jusqu’à l’époque romaine et le Moyen âge. Les croix votives disposées aux quatre points cardinaux, la source karstique Vreloto (l’eau bouillante)…, la liste est longue et les sites méritent l’attention des chercheurs et des voyageurs… De tout temps la beauté de notre région fait le bonheur des esprits curieux et des admirateurs de la nature. Pour preuve, lorsque les Ottomans l’ont découverte ils ont fait de Praoudja un fief du sultan, ainsi le village n’a jamais été habité par des turcs, les hommes du coin ont reçu la mission de garder les cols montagneux Saint-Nicolas et Kadi Boaz. Nous envisageons d’élaborer des circuits sur le thème de ces temps éloignés, repris par les légendes locales – par exemple celui du roi Boril, connu pour avoir persécuté les bogomiles, d’ailleurs Borilnitza est un lieu-dit qui porte son nom. Je suis sûr que cette initiative éveillera l’intérêt du public pour notre région et les touristes viendront nombreux. »

Version française : Roumiana Markova

Photos : Emile Tzankov et archives


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