En ce 1er novembre, les Bulgares rendent hommage à tous les esprits éclairés et érudits de la nation, désignés par le terme générique Lumières. Mais qui sont ces élus que nul ne conteste ? Des fonctionnaires ou des hommes publics, certainement pas ! Même si le moteur de recherche Google les désigne en tant que tels, ce qui est compréhensible, les Lumières faisant sans aucun doute partie de l’ordre et de l’ensemble des normes qui font qu’un pays soit réglé comme une horloge. Dans la longue liste des Lumières on trouve en premier lieu le protecteur céleste des Bulgares - Saint Jean de Rila, les hommes de lettres du Moyen-Age, les prêtres catholiques Pétar Bogdan Bakchev et Pétar Partchévitch, le moine du Mont Athos Paissi de Hilendar, dont l’« Histoire des Slaves bulgares » écrite il y a 250 ans a un rôle crucial pour la Renaissance du peuple. Et on peut continuer à énumérer : les combattants pour l’indépendance de l’Eglise bulgare, les éducateurs, les révolutionnaires luttant pour notre libération du joug ottoman Rakovski, Levski et Botev, les écrivains illustres comme Dobri Tchintoulov et Ivan Vazov et beaucoup, beaucoup d’autres.
Après la Libération de la Bulgarie en 1878, ces véritables saints bulgares, qui ont allumé le feu sacré de notre Renaissance étaient célébrés individuellement dans leurs villes natales. C’est en 1909 qu’on rend à Plovdiv, pour la première fois, un hommage collectif à l’ensemble des guides spirituels de notre peuple. La cérémonie est organisée brillamment par les habitants de Plovdiv. La célébration de la Journée des Lumières devient progressivement une tradition nationale dans les autres villes. Mais ce n’est que des années plus tard, en 1922, que la date du Premier novembre entre officiellement dans le calendrier national grâce à la promulgation d’une loi spéciale. Stoyan Omartchevski, ministre de l’Education nationale au gouvernement d’Alexandre Stambolyiski, annonce officiellement que cette fête sera célébrée désormais dans l’ensemble des établissements d’études. Elle devient un symbole de l’esprit national.
La Fête des Lumières étant marquée pour la première fois à Plovdiv en 1909, dans la période 1923 -1945 elle est célébrée au niveau national. L’idée appartient à Stoyan Omarchevski et date de 1922. Les motifs qu’il avance à cette époque sont toujours d’actualité. Il se dit préoccuppé par les signes de dégradation morale qu’on observe dans le pays tout comme dans de nombreux autres pays européens à l’issue de la Première guerre mondiale dévastatrice. Attirant l’attention sur le rejet des valeurs traditionnelles de la part des jeunes, Omarchevski souligne : « Ces vertus que nous avons appris aux générations des décennies durant ont été ébranlées par les résultats négatifs de la guerre avant tout au sein de la société elle-même. Ce qui a eu pour résultat les manifestations négatives de la part des jeunes étudiants. Ils ont été attirés par le quotidien, par les distractions et par le superficiel dans la vie de façon qu’ils se sont peu à peu éloignés des valeurs sûres dans la vie et dans le passé ».
De nos jours, à regarder la jeune génération qui a remplacé les livres par les jeux électroniques, nous avons la triste impression que la spiritualité et l’éducation sont devenues des notions ringardes, balayées par les surperformances de la toile.
Or, pour avoir un avenir, la jeunesse doit savoir que la vie n’est précieuse que lorsqu’elle est nourrie par des idées et une aspiration à lui donner un contenu, comme le faisaient nos anciens, « vibrant au contact de tout ce qui est beau, noble, national, idéal. Ils étaient les figures de proue de la Renaissance et des guerres de libération de la Bulgarie, créant les éternelles valeurs culturelles de la vie en liberté », pour citer Stoyan Omartchevski il y a 100 ans. Des propos qui nous invitent à nous réveiller et à réagir, tant qu’il n’est pas trop tard…
Photos : BGNES- archives
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