Réalisées par Karel Škorpil, le père de l’archéologie bulgare, les premières fouilles de la cité tardo-antique Zaldapa remontent à 1906-1910. On a constaté que la forteresse était bâtie au début du quatrième siècle, au temps de Constantin le Grand. Située près du village actuel d’Abrit, dans la région de Dobroudja, elle a été construite sur un plateau rocheux probablement au-dessus d’un marécage, d’où le nom interprété comme "eau jaune" ou "eau dorée". 

Zaldapa est la ville natale du célèbre commandant byzantin Vitalien. Empereur autoproclamé, il fut à la tête de deux rébellions contre le pouvoir central au début du VIe siècle. A l’époque, la ville fortifiée était un centre chrétien de ce côté de l’empire, ce qui est confirmé par les vestiges de six églises paléochrétiennes datant de fin IVe – VIe siècle, nous apprend le Prof. Georgui Atanassov. Il dirige l’équipe internationale composée de chercheurs de Bulgarie, France, Canada, Albanie et Italie qui étudient le site. "Il y a deux ans, nous sommes tombés sur "la cerise sur le gâteau" à Zaldapa. Nous avons mis au jour une extraordinaire église en quatre-feuilles", indique l’archéologue. Elle était recouverte de fenêtres en verre qui laissait la lumière s’infiltrer et illuminer les magnifiques peintures murales. En témoignent les milliers de fragments découverts sur le site. Couronnée par une coupole, cette église en verre était ornée de plusieurs arches qui lui conféraient son aspect aérien. Et encore :

"Un ambon à décoration de marbre presque entièrement préservée, d’où prêchait l’évêque, des dizaines de chapiteaux…", poursuit Atanassov. "Ce qui nous a le plus marqués pourtant était la découverte de la mosaïque sur le sol. Le sol de toute l’église était recouvert de tableaux en mosaïque très bien conservés. 

En Bulgarie il n’y a que deux autres églises en quatre-feuilles : à Pérouchtitsa et à Stara Zagora. Dans toute la chrétienté, en Asie, Afrique du Nord et Europe, on en a découvert pas plus de 30 églises de ce type de la même époque. Une telle construction demande beaucoup de ressources et d’architectes et de maçons formés à cet effet. Nous avons déjà mis au jour 70% de son plan à l’aide de l’équipe internationale".

Au-dessus de la résidence des évêques, les archéologues ont découvert une plus ancienne église de la fin du IVe siècle où se trouve la plus grande crypte en terre bulgare. Recouverte de peintures murales, elle est composée de trois pièces.

"Zaldapa est unique en son genre avec ses 5 grandes cryptes, indice de la présence d’un évêque et de la haute légitimité du lieu qui bénéficiait de donateurs si généreux qu’il est devenu un bastion de la culture et de la civilisation chrétienne dans cette province de l’Empire romain", explique le Prof. Atanassov.

Presque toutes les églises à Zaldapa sont dotées de grandes cryptes. Pourtant, ce qui a déconcerté les archéologues est le fait que les reliquaires ne contenaient pas des fragments du corps des martyrs mais des corps entiers. Voici une explication :

"D’après les calendriers ecclésiastiques et l’hagiographie, environ 140-150 saints du début du christianisme ont subi le martyr à Dobroudja lors des grandes persécutions dans l’Empire romain au début du IVe siècle. C’est la seule province dans la péninsule balkanique où il y a tant de martyrs au même endroit. Comme la loi romaine accordait même aux criminels le droit d’être enterrés, ces premiers chrétiens abattus, brûlés, massacrés avaient le droit d’être ensevelis. Quand le christianisme a été imposé comme religion après Constantin le Grand, les chrétiens étaient autorisés à prélever les corps des nécropoles pour les apporter dans les églises et ainsi sanctifier les autels. C’est une pratique sans analogue dans les Balkans et non seulement," conclut Georgi Atanassov.

Version française : Maria Stoéva

Crédit photos : Guéorgi Atanassov, archives personnelles