La Journée de Christo Botev et de tous les autres héros qui ont donné leur vie pour la liberté et l’indépendance de la Bulgarie que nous marquons le 2 juin est une des dates historiques qui font consensus dans la société bulgare. Nous avons décidé d’en parler avec l’historien et ancien ministre de la Culture Pétar Stoyanovitch, qui nous donne une interprétation intéressante du concept de liberté en se basant sur le contexte du XIXe siècle avec la libération de la Bulgarie du joug ottoman en 1878. D’après lui nos idées de la liberté sont plutôt post-Renaissance que modernes.
« C’est une notion vieillotte de l’identité nationale et une vision encombrante de notre affirmation de soi et de la liberté. La liberté chez nous gravite autour du 2 juin, date à laquelle Christo Botev est tué en 1876 et sur laquelle, après le 9 septembre 1944 (instauration du régime communiste en Bulgarie), se greffe l’antifascisme et elle devient ainsi une sorte de Renaissance rouge. »
Après 1944 une mythologie se forme autour de la date du 2 juin afin de servir les objectifs de l’ordre socialiste, mais il serait intéressant de savoir pourquoi, étant donné les autres dates historiques utilisées à des fins politiques.
« L’idéologisation du 2 juin n’est pas une probabilité, c’est une certitude. Je dirais qu’avec la répression directe du passé de la Bulgarie mise en place après le 9 septembre 1944, ces choses-là prennent un caractère institutionnel. Pourquoi cela est-il nécessaire ? Chaque régime, surtout un régime totalitaire comme celui du Parti communiste bulgare, a besoin de références historiques et de relier formellement la véritable lutte pour la liberté à la lutte idéologique pour le pouvoir. »
Tous les régimes exploitent l’histoire pour justifier et promouvoir leur idéologie, c’est aussi ce qui se passe avec la date du 2 juin, résume Pétar Stoyanovitch, tout en précisant :
« Je voudrais souligner que cela n’amoindrit en rien l’importance du 2 juin comme Journée de respect envers ceux qui ont sacrifié leurs vies pour la libération et l’intégrité de l’État bulgare. Je ne vois pas de débats ou de désaccords en Bulgarie sur la nécessité de célébrer le 2 juin. Le fait qu’une nation entière reste debout en silence 1 ou 2 minutes pendant que les sirènes résonnent est effectivement rétro, mais c’est quand même remarquable. A ma connaissance cela n’existe nulle part ailleurs dans le monde et cela me fait plaisir de l’avoir tous les ans. J’espère que nous saurons inculquer ce type de mémoire historique à nos enfants. Il faut leur expliquer ce qu’est l’héroïsme, ce qu’est la Bulgarie, pourquoi être Bulgare a un sens et qu’ils développent ce genre de respect », conclut Pétar Stoyanovitch.
Version française : Christo Popov
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