Dimanche 9 juin la Bulgarie doit élire les 240 députés de la 50ème législature de son Assemblée nationale. Ce sont les sixièmes législatives anticipées de suite en deux ans et demi, mais cette fois elles coïncident avec les élections européennes où les Bulgares désignent leurs 17 députés au Parlement européen. La campagne des législatives a toutefois éclipsé le débat européen dans notre pays à un moment où la Bulgarie est au seuil de la zone euro et notre société est divisée entre le soutien à l’euro et les craintes d’une flambée de l’inflation à cause de la perte de notre monnaie nationale.
La lutte contre la pauvreté est un sujet majeur pour les Européens dans cette campagne d’élection du Parlement européen, indique une étude d’Eurobaromètre de février-mars 2024. Pour 1/3 des interrogés c’est le problème le plus important, suivi de la santé (32%), la création de nouveaux emplois et la sécurité et la défense (31% chaque). Le secteur de l’énergie est une autre priorité pour les électeurs, mais en Bulgarie le débat sur tous ces sujets et sur les positions à prendre dans le prochain Parlement européen est pratiquement inexistant et n’agite guère l’opinion publique.
Ces élections européennes seront très différentes de celles de 2019, a pronostiqué le politologue Ivan Krastev durant une discussion sur ce sujet à Sofia :
Les élections de 2019 se sont déroulées sous le signe du Brexit. 19 partis dans divers pays de l’UE réclamaient un référendum sur l’appartenance de leur pays à l’UE ou sur l’euro. Les élections actuelles sont différentes de ce point de vue. Beaucoup des partis qui voulaient de tels référendums à l’époque y ont renoncé. La Bulgarie est plutôt une exception là-dessus. Après ces 5 ans qui ont grandement été influencés par la crise du Covid et l’agression russe en Ukraine, beaucoup des partis de l’extrême gauche et l’extrême droite ont soudainement renoncé à vouloir sortir de l’UE. Pour moi un des principaux traits de ces élections est la combinaison assez particulière entre fragmentation et polarisation. Il existe une polarisation, mais ce n’est pas l’ancienne polarisation entre ceux qui veulent quitter l’UE et ceux qui veulent y rester. La polarisation touche divers domaines. L’Europe s’est révélée bien plus unie précisément parce qu’elle a subi cinq grandes crises simultanément (climatique, inflationniste, migratoire, Covid et guerre en Ukraine) et chacune d’elles impacte les citoyens.
Le fait que le débat sur l’avenir de l’UE pendant le prochain mandat du Parlement européen est supplanté par les sujets de politique intérieure est préoccupant, mais pas surprenant, pense l’économiste Evguéniy Kanev :
Les Bulgares ne s’intéressent guère à ce que vont faire nos représentants dans le Parlement européen. Je dirais même qu’il existe une hostilité à l’égard des eurodéputés, parce qu’ils sont vus comme des gens attirés par les gros salaires et liés à la direction de leur parti sans qu’ils aient eux-mêmes un rôle particulier à jouer au Parlement européen. Le thème européen est écarté, parce que le rôle de l’UE et son influence sur la vie des Bulgares n’est pas un sujet populaire en Bulgarie.
Selon Evguéniy Kanev le changement est possible, mais il doit commencer au niveau politique et passer par les médias :
Cela dépend naturellement des partis eux-mêmes et ensuite du Conseil des ministres qui doit expliquer les choses au public. Je dirais que cela dépend le plus de la Radio nationale bulgare et de la TV publique qui ont pour tâche d’expliquer de façon accessible pourquoi nous sommes dans l’UE, quelle est la différence entre l’Union européenne et l’Union soviétique, que beaucoup de Bulgares ne voient pas, et pourquoi la Bulgarie bénéficie grandement de son appartenance à l’UE. Ces choses-là sont essentielles pour la façon dont notre société fonctionne. Nous ne sommes pas un membre valable de l’UE, parce que nous ne sommes pas un État de droit et ceci est une valeur fondamentale de l’UE. Il faut noter que les partis qui ne s’intéressent pas à l’État de droit ne tiennent pas à promouvoir l’UE, conclut Evguéniy Kanev.
Photos: BGNES, EPA/BGNES, archives personnelles
Version française : Christo Popov
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