Presque cinq mois après les dernières législatives anticipées en Bulgarie, la 51^e législature de l’Assemblée nationale a rajouté un parti à sa composition, passant à neuf formations politiques, un record. La Cour constitutionnelle a déclaré illégitime l’élection de 16 députés et le parti "Grandeur" qui était resté juste en-dessous de la barrière permettant une entrée au parlement avec 3,999 % des voix selon les résultats officiels du scrutin du 27 octobre dernier, a récupéré une poignée de voix, suffisante pour franchir les 4% et former un groupe parlementaire de 10 députés.

Dans quelle mesure cette entrée de "Grandeur" au parlement y changera les rapports de force et causera-t-elle des bouleversements au sein de la majorité au pouvoir qui est retombée à 121 députés sur 240 ? L’avenir nous le dira. Ce parti n’est certainement pas une anomalie dans la vie politique bulgare, est persuadé le sociologue de l’institut de sondage "Myara" Parvan Siméonov. Dans la précédente législature de l’Assemblée nationale ce parti avait également le plus petit groupe parlementaire, qui s’est toutefois vite désagrégé après le retrait d’une partie de ses députés qui ont choisi d’être indépendants.

"Grandeur" se fonde sur plusieurs piliers majeurs, précise Parvan Siméonov au micro de Radio Bulgarie. L’un est leur idéologie quelque peu nationaliste. Un deuxième est son modèle business, avec un marketing agressif lié à divers secteurs économiques, et ses créateurs disposent de l’infrastructure nécessaire. Un troisième pilier est la nature spécifique, avec des éléments religieux, de cette formation. Ce parti dégage quelque chose d’authentique, et par authentique j’entends naturel, spontané. La preuve en est qu’il parvient à entrer au parlement pour la deuxième fois de suite en dépit des scandales et de la scission de la fois précédente.

Bien que prise uniquement sur la base du recompte des voix dans 2204 bureaux de vote (sur environ 13 000), la décision de la Cour constitutionnelle dévoile plusieurs problèmes dans la façon dont sont calculés les résultats des élections en Bulgarie.

Dans le cas des bulletins papier on a constaté un décompte incorrect des voix pour une liste donnée ou bien une validation incorrecte du résultat d’une liste donnée, indique sur la RNB Ivilina Alexiéva, ancienne présidente de la Commission électorale centrale et experte dans le dossier ouvert par la Cour constitutionnelle sur la légitimité du scrutin du 27 octobre. Elle note aussi des décomptes incorrects des voix, par exemple lorsque 20 bulletins de vote sont inscrits comme 19.

Non seulement les membres du bureau de vote ont mal compté, mais quand ils se préparaient à remettre leur procès-verbal à la Commission électorale départementale et la disparité a été constatée, ils ont changé les nombres et ont apposé leurs signatures sous les nouveaux résultats.

"Nous sommes en train d’habituer la société à croire que les élections sont quelque chose de terrible, bien que ce ne soit pas le cas. C’est dangereux, parce qu’on pourrait en arriver à une prophétie autoréalisatrice", prévient Parvan Siméonov, selon qui les amendements à apporter d’urgence au Code électoral concernent l’effondrement démographique en Bulgarie :

Nous ne pouvons pas garantir un scrutin sincère dans les petites localités, parce que les membres des bureaux de vote deviennent de plus en plus dépendants d’intérêts occultes et la pauvreté leur fait considérer les élections comme une source de revenus. Je pense donc que nous devons réfléchir à des centres de décompte des voix communs pour éliminer les manipulations dans les petites circonscriptions. Je pense aussi que nous ne pouvons pas garantir aux gens que les élections sont sincères avec un si grand nombre d’erreurs dans le décompte des résultats. Il serait bon que les partis parviennent à un consensus là-dessus et procédent à des changements.

Et quel type de vote est-il préférable : bulletins papier ou machines à voter ?

Ce n’est pas l’essentiel, ce qui importe est que le décompte des résultats se fasse de plus en plus par des machines. Il sera ainsi plus facile de vérifier si mon vote comptabilisé est bien celui que j’ai mis dans l’urne. Le gros problème ne vient pas des bulletins papier, mais des procès-verbaux bourrés d’erreurs. Même s’il ne s’agissait que d’un faible pourcentage, cela crée le sentiment que c’est un phénomène systématique. Il faut donc instaurer un décompte à la machine le plus simplifié possible pour éviter toutes ces erreurs.

Photos: BTA, BGNES

Version française : Christo Popov