Réalisateur (Zift, 2008) et metteur en scène bulgare, Yavor Gardev entre, au-delà de l’interprétation artistique; en dialogue avec les textes classiques, dans une analyse profonde de la société. Nous lui cédons la parole non seulement en tant qu’artiste mais également en sa qualité de philosophe et critique de l'époque contemporaine :
"Même si la situation semble démoralisante, je reste optimiste tout en étant conscient du fait qu’il y a un long chemin à faire. Il s’agit d’un parcours culturel et civilisationnel. Et si on a trouvé la bonne direction, en parcourant ce chemin, on marquera petit à petit un progrès important non pas du vivant de cette génération mais pour les générations à venir car je suis persuadé du potentiel de la Bulgarie. Malheureusement, on gaspille de l’énergie à créer des obstacles et pas de la manière la plus constructive. Pourtant cela est en train de changer progressivement avec l’ouverture de notre société aux autres sociétés européennes", déclare Gardev.
A la base des guerres qui se déchaînent à travers le monde, il n’y a pas que des intérêts économiques mais également des conflits culturels associés aux valeurs du quotidien. Nous observons aujourd’hui les "guerres culturelles" se transformer en de vraies guerres, estime le metteur en scène qui dans un de ses récents spectacles essaie de jeter de la lumière sur l’origine de ces conflits : "Les questions que soulève Shakespeare dans "Le Marchant de Venise" sont très similaires", précise-t-il.
"Je m’occupe essentiellement des guerres culturelles et s’il est possible de rassembler au sein de la même société des segments qui comportent de grandes différences culturelles de manière à ce qu’elle continue de fonctionner bien. Il faut en ce sens brosser le tableau d’une société multiculturelle comme l’était à l’époque celle de Venise, qui a tout de même un régime d’accès à certaines zones. Dans le contexte contemporain, les guerres culturelles constituent un problème grave, même plus grave que les inégalités sociales. La source des tensions n’est pas tellement l’aspect économique que les différences culturelles qui minent la stabilité et conduisent à une concentration de pouvoir. On a le sentiment qu’en dépit d’une démocratie ostentatoire, il y a des centres du pouvoir dont elle découle et ce sont eux en fait qui gouvernent. C’est sur cela que se base l’intuition des gens en Bulgarie qui s’interrogent toujours qui est le chef pour savoir à qui adresser leurs demandes ou avec qui négocier. Cette intuition antidémocratique, à savoir, que le pouvoir doit découler d’un homme fort, se reflète dans l’œuvre de Shakespeare qui révèle un mécanisme similaire dans la société vénitienne du 16e siècle."
D’après Gardev, les Bulgares ont une tendance à chercher une figure puissante et autoritaire derrière les apparences au lieu de compter sur l’égalité des gens. C’est une intuition qu’on doit surmonter parce que la vraie démocratie se fonde sur une reconnaissance mutuelle de son égalité. "Nous la reconnaissons déjà dans la Constitution sans pour autant nous considérer comme des égaux", poursuit Gardev.
"Le théâtre est un art de la discussion qui tente d’échanger avec l’autre côté. Pour cette raison le "Marchand de Venise" est un spectacle qui pose des questions de façon que chacun puisse tirer ses conclusions, et ne pas exercer une influence idéologique depuis la scène."
"Actuellement, la Bulgarie est divisée en plusieurs sociétés et cela est visible sur les réseaux sociaux qui encouragent cette fragmentation", explique Gardev.
"En ce sens, il est grand temps de trouver une voie commune où nous pourrions partager la valeur mutuelle de notre coexistence. C’est cela la grande difficulté : la construction de valeurs communes dans une société fragmentée."
Yavor Gardev est critique à l'égard de l’idée d’introduire des cours de catéchisme et de "vertus" à l’école :
"Ici, l’important c’est l’enseignement des normes éthiques et légales pour que les enfants puissent devenir de bons citoyens, et c’est cela l’objectif à poursuivre. Il est essentiel de rapprocher ces deux zones : la morale et le droit. Quant à la question de savoir quelle matière doit être introduite dans ce domaine, cela exige un très haut niveau de compétence de la part des institutions scolaires pour ne pas obtenir un résultat qui ne soit inacceptable que pour la moitié de notre société."
Yavor Gardev rappelle l’importance de l’optimisme "sinon, on s’enfonce dans une situation où nous ne faisons que répéter le leitmotiv du désespoir en y entraînant aussi les autres".
Photos : Facebook / Javor Gardev, Théâtre national "Ivan Vazov"
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